Loi Pinel, évolutions importantes des baux commerciaux

Champ d’application, délivrance des locaux, état des lieux, durée du bail, indexation et déplafonnement, répartition des charges, taxes et travaux, congé, vente de locaux occupés ; toutes ces règles ont changé pour les baux commerciaux. Les modifications intervenues impliquent des conséquences économiques et juridiques extrêmement lourdes. Il parait désormais quasi impossible pour un bailleur non professionnel de l’immobilier de gérer lui-même ses locaux ou à un gestionnaire immobilier non spécialisé en immobilier d’entreprise de continuer ce type d’activité annexe.

Les règles du bail commercial avaient peu changé depuis 61 ans. D’abord précisées dans le décret de 1953, puis codifiées aux articles L145-1 et suivants du Code de commerce, bailleurs et utilisateurs, avaient, au fil du temps et selon les périodes économiques, réussi à adapter chaque contrat afin d’arriver à un « deal » équilibré. En effet, estimant que les parties en présence échangeaient entre professionnels, le législateur avait instauré un cadre avec des règles de base qui laissaient de larges possibilités de négociations. Au niveau national, le dialogue entre représentants de bailleurs et de preneurs avait permis de faire évoluer les pratiques : la création de nouveaux indices (ILAT, ILC) plus stables que l’ICC* par exemple.
La loi Pinel apporte des évolutions réglementaires fortes au statut des baux commerciaux. Tour d’horizon des principaux points de la réforme :

Locaux / Délivrance
Le décret d’application, qui sera publié avant la fin d’année, viendra préciser les obligations du bailleur en termes de délivrance des locaux et de mise en conformité. Le projet de décret, dont nous avons été lecteurs, rend obligatoire la précision de la surface dans le bail et la notion de « surface exploitée » est créée. La « surface exploitée » vient ainsi compléter la longue liste des surfaces existantes en immobilier d’entreprise : SHOB, SHON, surface plancher, surface Carrez, surface Boutin, surface GLA, Surface Utile Nette.

Durée
La loi modifie les règles de durée du bail et crée plusieurs spécificités ; Il n’est plus possible de signer un bail avec une période d’engagement ferme (6 ans ou 9 ans), notamment contre des aménagements financiers ou franchise de loyer par exemple. La possibilité de résiliation triennale est devenue d’ordre public. Cette disposition ne s’applique pas aux baux d’une durée supérieure à 9 ans, aux baux portant sur des locaux monovalents, aux baux à usage exclusif de bureaux et aux locaux de stockage non liés géographiquement à un outil de production.

Etat des lieux
La loi Pinel impose la réalisation d’un état des lieux d’entrée au moment de la prise de possession des locaux (et non de signature du bail) et d’un état des lieux de sortie à la libération (et non à la fin du bail). Cette règle est d’ordre public et il sera impossible, au moment de la sortie, de se prévaloir de l’article 1731 du Code civil (preneur présumé avoir reçu les locaux en bon état).

Indexation / révision / déplafonnement
L’indice du coût de la construction (ICC) est supprimé au profit des seuls indices ILC* et ILAT* (L145-34 et L145-38), à choisir selon la destination des locaux. En cas de déplafonnement du loyer, sauf exceptions, la variation du loyer qui en découle ne peut être supérieure à 10% du loyer de l’année précédente. La loi Pinel établit donc un plafonnement du déplafonnement… Par ailleurs, le nouvel article L145-38 précise que « la révision du loyer prend effet à compter de la date de demande en révision ». Cette disposition est d’ordre public et applicable aux baux en cours.

Charges et travaux
Il s’agit certainement des points aux conséquences économiques et juridiques les plus bouleversantes des baux commerciaux. La loi Pinel instaure la possibilité de faire prendre en charge les charges et travaux par le locataire, mais dans le respect des obligations de délivrance. Pour les baux conclus à partir du 1er septembre 2014 (et sous réserve de la parution du décret), certaines charges ne peuvent plus être imputées au locataire : c’est la fin du bail triple net ! La réforme met également en place de nombreuses et nouvelles obligations pour le bailleur ou son gestionnaire en termes d’information du locataire. Ainsi, au moment de la signature du bail, il doit être annexé un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et éventuelles redevances (L145-40-2). Durant toute la durée du bail, le bailleur ou son gestionnaire a l’obligation d’informer le preneur des évolutions ou création de ces éléments. Aussi, il doit désormais fournir annuellement un état récapitulatif des dépenses, afin que le locataire puisse contrôler leur réalité. Le décret viendra fixer le délai de délivrance de ce document. En cas d’immeuble multi-locataires, le bail devra préciser le mode de répartition des charges et travaux entre eux, en fonction de la surface exploitée par chacun. La loi précise que les impôts et taxes refacturés au locataire devront correspondre strictement au local occupé et à la quote-part des seules parties communes nécessaires à l’exploitation du bien loué. Un nouveau mode de calcul et répartition des charges est donc inventé. Enfin, le bail doit préciser les travaux réalisés au cours des trois années antérieures à la conclusion du contrat (L145-40-2) et un budget prévisionnel et mode de répartition de ceux prévus jusqu’à la première échéance triennale. L’ensemble de ces dispositions est applicable. Sous peine de voir les dossiers arriver en contentieux avec des conséquences extrêmement lourdes, il parait désormais quasi impossible pour un bailleur non professionnel de l’immobilier de gérer lui-même ses locaux ou à un gestionnaire immobilier non spécialisé en immobilier d’entreprise de continuer ce type d’activité annexe.

Congé
L’obligation de délivrance du congé par acte extrajudiciaire est supprimée. Il doit à présent être donné par acte extra judiciaire ou lettre recommandée avec accusé de réception au libre choix des parties. L’application de ce principe pour les baux en cours est à vérifier.

Droit de préférence du locataire
Le nouvel article L145-46-1 instaure un droit de préférence au locataire en cas de vente des locaux. Cette disposition, totalement nouvelle en immobilier d’entreprise, est très inspirée du règlement mis en place pour les logements en 2006 suite à d’importantes ventes à la découpe. Le bailleur doit dès lors informer son locataire du prix et autres conditions souhaitées (condition(s) suspensive(s), délai de réalisation…) et éventuellement de celles, meilleures, qui auraient été proposées à un autre acquéreur en cas de premier refus. La loi a prévu de nombreux cas d’exclusion (vente d’un centre commercial par exemple) non exposés ici.

Bail Dérogatoire / Convention d’occupation précaire.
Au-delà du bail commercial, la durée du bail dérogatoire au statut est portée de 24 à 36 mois et un délai d’un mois après la fin du contrat est instauré avant la mise en place du droit automatique au statut. Enfin, la convention d’occupation précaire, contrat issu de la pratique, est désormais définie par la loi (nouvel article L145-5-1).

L’ensemble des dispositions Pinel modifie donc en profondeur les pratiques de marché et habitudes des acteurs. La liberté de négociation est strictement encadrée. Les obligations extrêmement fortes de délivrances et d’informations avant et tout au long du bail, ouvrent la voie à de nombreux recours. L’aspect positif de cette réforme est l’obligation de transparence entrainant forcément un professionnalisme accru des acteurs et de leurs intermédiaires.
L’équipe d’Inovista, qui surveille quotidiennement les évolutions commerciales, techniques et règlementaires, a suivi le 12 septembre une formation sur l’ensemble de ces nouvelles dispositions. Les consultants Inovista sont donc prêts à accompagner bailleurs et locataires, avec l’engagement qui les caractérise. Pour plus d’informations : 0262 34 00 34.

* ICC : indice du coût de la construction
* ILC : indice des loyers commerciaux
* ILAT : indice des loyers des activités tertiaires

INOVISTA - Loi Pinel du 18 juin 2014 : des évolutions importantes en matière de baux commerciaux